mercredi 14 décembre 2011

Itinérance : une aide d'urgence est nécessaire

Les refuges pour itinérants de Montréal ne suffissent plus à la demande sans cesse croissante. J'ai été alerté de la situation par le réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM) cet été. Il y a quelques jours, j'ai appris que plusieurs organismes de Rosemont-La Petite-Patrie, qui accueillent les personnes à risque d'itinérance se sont vus refuser totalement ou partiellement leur demande de subvention dans le cadre de la Stratégie des partenariats de lutte contre l’itinérance.
Quand l'enveloppe est de 19 millions de dollars (pour 4 ans pour tout Montréal) et que la demande est de 55 millions, beaucoup de projets qui sont indispensables pour les plus démunis se retrouvent sans financement.
Pour faire face à la situation, avec mes collègues, nous exigeons une aide d'urgence pour les organismes accueillant les itinérants. Je vous invite à lire la lettre que nous avons envoyée à la Ministre.



À l’Honorable Diane Finley
Ministre des Ressources humaines et développement des compétences Canada




Madame la Ministre,


Nous souhaitons attirer votre attention sur l’urgence d’agir face à une situation devenue insoutenable dans nos circonscriptions montréalaises. Le comité de milieu responsable d’évaluer les projets déposés au programme SPLI a récemment communiqué ses recommandations aux organismes demandeurs. Nous constatons que les fonds alloués à la lutte à l’itinérance sont inadéquats pour contrer ce problème qui s’aggrave de façon considérable.


En effet, les besoins des organismes communautaires sont croissants en raison de l’augmentation du nombre de personnes en situation d’itinérance ou à fort risque de le devenir. C’est le triste résultat des nombreuses pertes d’emploi des dernières années ainsi que du manque de politiques publiques adaptées aux personnes les plus vulnérables économiquement. Partout au Canada, le constat est le même : le chômage est en hausse, le logement social est sous-financé et les ressources en santé mentale sont débordées. Sur le terrain, la crise est tangible.

À Montréal, plus de 30 000 personnes vivent en situation d’itinérance, d’après l’évaluation des experts sur la question. Les refuges et les banques alimentaires connaissent une importante hausse de la demande. L’Auberge Madeleine, qui offre de l’hébergement court et moyen terme aux femmes sans abri a dû refuser, seulement depuis avril dernier, près de 4000 demandes de femmes, un record historique. Alors que les températures hivernales descendent de jour en jour, cette réalité est plus qu’alarmante : elle requiert avec urgence d’agir !
Le financement de la SPLI n’ayant pas été augmenté depuis cinq ans, nous constatons que le gouvernement ignore cette hausse des besoins des plus démunis. Cette enveloppe n’a même pas été indexée à la hausse du prix de l’immobilier ou encore à la hausse du coût de la vie.

Les conséquences négatives de ce sous-financement sont flagrantes : 39 % des financements demandés dans le cadre de la SPLI par des organismes de Montréal leur ont été refusés. Seulement à Montréal, le programme a reçu des demandes totalisant plus de 55M$ alors que son budget n’allouait que 19M$ pour pallier aux besoins du milieu, un écart dramatique. Dans un contexte d’augmentation de la demande dans les ressources montréalaises, un budget de 6,33 M$ par année, comme c’est le cas actuellement, est nettement insuffisant.


Vous trouverez en annexe des exemples concrets de refus pour démontrer à quel point un meilleur financement de la SPLI est indispensable.


Ces exemples montrent que les organismes qui accueillent les personnes en situation d’itinérance souffrent d’un manque criant de financement rendu d’autant plus dramatique que le nombre de sans-abri augmente sans cesse. Faut-il attendre qu’il y ait des morts pour agir? Cela serait clairement indigne d’un pays riche comme le Canada. Nous sommes devant une véritable crise humaine et il est de notre devoir de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter le pire.


Nous demandons donc à votre ministère de débloquer un fonds d’urgence de 30 millions sur 3 ans pour le Québec afin de répondre à l’urgence de la situation. C’est un minimum pour répondre aux besoins des organismes communautaires qui ne sont plus en mesure de répondre aux demandes du nombre croissant de personnes sans-abri.

En vous remerciant à l’avance de l’attention portée à notre demande,

Marie-Claude Morin
Députée de Ste-Hyacinthe – Bagot
Porte-parole de l’opposition officielle en matière de logement
Marjolaine Boutin-Sweet
Députée d’Hochelaga
Hélène Laverdière
Députée de Laurier –Sainte-Marie
Alexandre Boulerice
Député de Rosemont – La Petite-Patrie
Tyrone Benskin
Député de Jeanne – Le Ber
Hélène Leblanc
Députée de LaSalle – Émard

ANNEXE

Le Projet Refuge-Maison Haidar, situé dans Rosemont--La Petite-Patrie, s’est vu refuser la totalité du financement demandé. Cet organisme accueille les demandeurs de statut de réfugié qui viennent d’arriver au Canada et qui entreprennent leurs démarches administratives. Bien souvent, ils sont en situation de choc post-traumatique, ne parlent ni français ni anglais, et ont des besoins spécifiques. Un rapport de l'Institut National de Recherche Scientifique confirme à quel point il existe un manque criant de logement adapté pour accueillir les réfugiés vulnérables. Or le projet Refuge-Maison Haidar offre des services de grande qualité depuis 1990. Mais, aujourd’hui, l’organisme ne bénéficie plus d’aucune subvention publique. Peut-on accepter la perte de cette expertise, dont la nécessité a été confirmée par un récent rapport?

Dans Hochelaga, les élus et la communauté travaillent depuis quelques années afin de répondre aux problématiques de prostitution et d’itinérance vécues par de nombreuses femmes dans le quartier. Une demande de financement pour l’ouverture d’un centre de répit pour femmes prostituées en état de désorganisation a été déposée au programme de la SPLI. En raison du manque de budget alloué pour Montréal, le projet n’a reçu le financement que pour une seule intervenante alors qu’un minimum de trois est nécessaire à l’opérationnalisation de ce service essentiel dans cette communauté. Ce financement partiel remet donc en cause la réalisation de ce projet structurant.
Au centre-ville de Montréal, dans Laurier—Sainte-Marie, l’organisme Projets Autochtones du Québec doit déménager d’ici l’été son refuge pour itinérantes et itinérants autochtones. Cependant, encore une fois en raison du sous-financement de la SPLI, c’est moins de la moitié du montant des besoins en immobilisation qui lui a été accordé. Comment peut-on s’attendre à déménager la moitié d’un organisme? Alors qu’on lui donne deux mois pour aller chercher le demi-million manquant, l’équipe de Projets Autochtones du Québec craint de devoir fermer définitivement ses portes et de laisser à la rue une population particulièrement vulnérable, dont la proportion au sein des sans-abri est grandissante, et qui a des besoins particuliers pour lesquels une approche spécialisée avait été développée au cours des dernières années.



Le projet PIVOT, situé à Ville-Émard/Côte Saint-Paul et administré par l’organisme Groupe Paradoxe s’est aussi vu refuser la totalité du financement demandé. Ce projet se déroulerait dans une église et un presbytère sur le boulevard Monk, secteur particulièrement fragilisé dans le quartier. Le projet PIVOT permettrait de favoriser l’intégration socio-économique de jeunes itinérants ou à risque d’itinérance en leur offrant non seulement un logement sécuritaire et abordable, mais aussi un accompagnement et un soutien indispensable à la réinsertion sociale. Groupe Paradoxe a fait une offre d’achat pour l’église et le presbytère qui a été acceptée par l’archevêché de Montréal. Malheureusement, l’organisme est confronté à un deuxième refus de financement. Dès lors, leur projet novateur répondant aux besoins criant d’une communauté risque de ne jamais voir le jour.

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