vendredi 24 juin 2011

Alexandre Boulerice fait un discours en chambre à propos de la loi spéciale

Hoc
On peut considérer qu'aujourd'hui est un jour sombre pour la fédération canadienne. Le dépôt du projet de loi C-6 est une tache sur le respect des droits démocratiques et des droits d'association des travailleurs et des travailleuses. Cette journée passera à l'histoire comme n'étant pas celle où le gouvernement a le mieux respecté la population ainsi que les droits des employés syndiqués. Toutefois, la bonne nouvelle d'aujourd'hui, c'est peut-être que le gouvernement conservateur est également démasqué. Les masques tombent et on voit son vrai visage. Malheureusement, ce n'est pas un spectacle très agréable à observer. On voit un gouvernement qui fait preuve d'autoritarisme, d'arrogance et de mépris envers les travailleurs et les travailleuses qui veulent bien faire leur travail dans des conditions de santé et de sécurité acceptables. Au lieu de tendre la main et pousser vers de vraies négociations avec le syndicat des postiers et des postières, le gouvernement sort le bazooka et la massue, et tente d'imposer un retour au travail forcé avec une loi spéciale dans laquelle on trouve même l'imposition de conditions salariales, alors qu'on ne laisse même pas l'arbitre décider en toute connaissance de cause et en faisant des comparatifs avec le marché et la situation économique de Postes Canada.

Je veux souligner que la situation est complètement loufoque, surréaliste et j'ajouterais même, kafkaïenne. J'invite mes collègues à lire Le Procès de Kafka. C'est fort intéressant, et cela se compare assez bien, si on fait un parallèle, avec la situation dans laquelle les travailleurs des postes se retrouvent aujourd'hui.

Vu que leurs négociations n'avançaient pas et que l'employeur poussait pour des reculs dans la convention collective — je reparlerai tout à l'heure des problèmes de santé et de sécurité, des dispositions de traitement discriminatoire, surtout en ce qui concerne les régimes de retraite, un thème qui est très important pour la plupart des Québécois et des Canadiens en ce moment —, le syndicat a voulu commencer à exercer des moyens de pression progressifs. Il s'est dit qu'il ne voulait pas déclencher une grève générale, parce qu'il ne voulait pas paralyser le système. Il voulait utiliser des moyens de pression doux au début, en touchant une municipalité canadienne à la fois, pendant 24 heures. Pendant ce temps-là, le reste du pays continuerait de fonctionner. Cela ferait parler des employés et sensibiliserait la population, et les médias s'intéresseraient à leur conflit. C'est ainsi qu'on arrive à avoir des échanges avec l'opinion publique et avec les citoyens pour faire progresser le dossier tout en mettant de la pression sur l'employeur, mais de manière légale, pacifique et progressive.

Après quelques jours seulement, quelle a été la réaction de l'employeur, qui est une société publique? D'ailleurs, si c'est une société de la Couronne, le gouvernement est donc, en dernière instance, responsable de cette société publique. Il a imposé un lock-out. Il a fermé Postes Canada au pays. Il a créé lui-même le problème. Le gouvernement conservateur nous dit que c'est épouvantable, que c'est une menace à la reprise économique et à la santé économique du pays. Mais c'est lui qui a créé cette situation en faisant décréter un lock-out. Alors s'il est responsable de la paralysie, comment se fait-il qu'il arrive aujourd'hui comme un cavalier sur son cheval et qu'il se présente en sauveur en disant qu'il va régler le problème, que cela va bien aller, qu'il va imposer une loi spéciale forçant un retour au travail? C'est absurde. Ce sont les conservateurs qui ont causé l'arrêt de la livraison du courrier régulier au pays. Pourquoi ne se lève-t-il pas pour demander à Postes Canada de mettre fin au lock-out et de retourner à la table de négociation? Cela permettrait aux députés québécois de retourner au Québec et de fêter la Fête nationale, demain, avec leurs concitoyens.

J'imagine qu'on cite rarement Michel Chartrand à la Chambre des communes, mais je trouve que le gouvernement conservateur ne peut pas plaider pour sa propre turpitude. C'est lui qui s'est mis dans cette situation-là. Qu'il soit donc responsable et qu'il lève le lock-out dans l'intérêt, non seulement des travailleurs syndiqués et de leurs droits, mais dans celui de l'ensemble des citoyens et citoyennes et des petites et moyennes entreprises du pays.

La situation est d'autant plus absurde que Postes Canada est un service public remarquable, efficace, économique et rentable. Dans les faits, soyons clairs, le secteur privé ne nous offre pas d'alternative pour échanger un tel volume de courrier, tous les jours, d'un océan à l'autre. C'est le meilleur moyen qu'on a trouvé pour que les citoyens canadiens, entre eux, et avec leurs amis de partout au monde puissent échanger du courrier.

En plus d'être efficace, il est économique parce que c'est un service public qui ne nous coûte pas très cher. Quand on compare avec beaucoup d'autres pays, comme la Finlande, l'Allemagne ou les Pays-Bas, le prix des timbres réguliers dont on se sert au Canada pour envoyer une lettre est inférieur à celui de la plupart des autres pays de l'OCDE. De plus, il faut le souligner et le marteler, l'année dernière, Postes Canada a réalisé des profits de l'ordre de 281 millions de dollars.

Pourquoi s'attaquer aux droits des travailleurs et des travailleuses? Pourquoi créer un régime de retraite qui serait moins avantageux pour les nouveaux employés? Pourquoi risquer la santé et la sécurité des travailleurs alors qu'on a une entreprise publique qui fonctionne bien et qui en plus fait de l'argent? Où est le problème? Pourquoi le gouvernement conservateur veut-il imposer un recul à ces gens? Pourquoi s'attaquer aux conditions de travail de 50 000 personnes à travers le pays? Pourquoi s'attaquer aux conditions de vie de 50 000 familles à travers le pays? Est-ce que c'est ainsi que les conservateurs entendent traiter les travailleurs et leurs familles au cours des quatre prochaines années? Est-ce que c'est cela la vision d'avenir du gouvernement conservateur pour les travailleurs et la classe ouvrière: reculer, reculer, reculer? Ce n'est pas acceptable.

Ce qui est également important dans cet enjeu, au-delà des conditions de travail, c'est qu'on fait face à un enjeu fondamental relatif au respect des droits. Dans la fédération canadienne, il existe des droits reconnus par la Charte canadienne des droits et libertés. Je crois que c'est important de le rappeler. On a le droit de s'associer. On a le droit de s'organiser. On a le droit de s'exprimer. On a le droit de négocier librement et on a le droit d'exercer un rapport de force, tel que prévu par le Code canadien du travail. Et c'est à cela que le gouvernement conservateur s'attaque. Il veut détruire ces droits. Il veut les reléguer en dessous du tapis et dire aux gens: « Pow, tiens, vous n'avez pas le choix, vous retournez au travail. »

C'est important pour le respect des droits de l'ensemble des citoyens et des citoyennes de notre pays. Tous les groupes qui revendiquent, qui parlent, qui manifestent, qui s'organisent et qui tentent d'améliorer de manière pacifique leur sort sont inquiets aujourd'hui. Est-ce comme cela que l'histoire nous apprend qu'une société progresse? Est-ce comme cela qu'on est sorti du Moyen Âge, de l'ère industrielle et de l'exploitation massive des ouvriers et des ouvrières? Non, cela s'est fait parce que des gens se sont réunis, se sont associés, se sont organisés et se sont défendus, ce qui a fait en sorte qu'on a eu des politiques sociales, des droits sociaux, le droit de se syndiquer, de négocier collectivement, d'avoir un contrat de travail que l'employeur doit respecter et le droit de déclencher des grèves. C'est cela qui a fait en sorte qu'aujourd'hui, les travailleurs, les travailleuses et les citoyens de la fédération canadienne vivent mieux qu'il y a un siècle ou un siècle et demi.

De son côté, le projet de loi conservateur ne laisse pas à l'arbitre la liberté et la possibilité de juger de la meilleure hausse de la rémunération des employés de Postes Canada. C'est inusité, c'est nouveau et c'est très très étrange. De notre côté, on considère que cela ajoute l'insulte à l'injure en décrétant des hausses salariales inférieures aux dernières offres patronales. Comment se fait-il qu'on ne laisse pas l'arbitre avec les deux parties voir quelles sont les hausses de salaire les plus adéquates qui devraient être accordées? Comment se fait-il qu'on tente de sauver de l'argent en utilisation une loi spéciale qui défait les pouvoirs qu'un arbitre a habituellement pour régler ce genre de litige?

Si l'employeur trouvait qu'il était capable d'offrir ces hausses de salaire, qu'est-ce que le gouvernement conservateur a à se mêler des négociations et à imposer des hausses de salaire qui sont plus basses? L'employeur lui-même reconnaissait être en mesure d'offrir mieux et de mieux respecter les travailleurs et les travailleuses. Alors, en imposant à l'arbitre le soin de décider sur des hausses de salaire moindres, cela fait en sorte de voler dans les poches des travailleurs et travailleuses de Postes Canada 35 millions de dollars au cours des quatre prochaines années. Qu'on imagine un peu les relations de travail qu'il va y avoir à l'avenir dans ce milieu. Qu'on imagine la motivation de ces hommes et de ces femmes qui risquent de se faire enfoncer un contrat de travail dans la gorge. Est-ce ainsi que le gouvernement fait la démonstration de son respect envers ceux et celles qui nous rendent de bons services partout au pays?

Selon moi, le gouvernement devrait réagir et respecter les travailleurs et les travailleuses de Postes Canada, oublier cette loi spéciale, lever le lock-out, demander aux gens de négocier et permettre aux députés québécois d'aller fêter la fête nationale.

Discours prononcé à la Chambre des Communes le 23 juin 2011

4 commentaires:

Jacynthe Vermette a dit...

Droit au but! Un discours qui devrait être instructif pour les Conservateurs qui, si l'on se fie aux évènements des derniers jours, semblent ne pas se rendre compte de ce que veut dire être au service du peuple. Tout à fait inquiétant.

Maurice Lévesque a dit...

Bravo,je suis facteur et j'ai 34 ans de service,et durant toutes ces années je n'ai jamais vu un tel mépris de la part du gouvernement canadien.Cette attaque contre les employés des postes va se déplacer vers d'autres organisations de travailleurs,c'est la vraie politique des conservateurs(réformistes).

Gilles Beauchamp a dit...

J'ai eu la chance d'assister, via la télé, au discours de monsieur Boulerice qui était des plus appropriés dans la situation et je le remercie pour l'effort fourni à tenter d'expliquer aux députés et gouvernement d'en face l'enjeu présent pour les travailleurs et travailleuses de tout le pays (syndiqués ou non).
Effectivement, c'est une stratégie gouvernementale non courante à laquelle on assiste et, ce qui devrait tous nous inquiéter, cette stratégie va-t-elle se répéter sur une base régulière?
Il y a un danger à ce que le gouvernement s'implique de telle façon dans des conflits du genre... surtout quand on sait que la responsabilité de l'arrêt de distribution de courrier est la décision directe de la gestion de Postes Canada.
Je souhaite que l'opposition fasse entendre raison au gouvernement en lui demandant de tenir compte des motions visant à amoindrir les effets négatifs de la loi C-6 pour les travailleurs et travailleuses de Postes Canada et de les inclure dans la loi.

Roger-Luc Chayer a dit...
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